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Voici une interview de Philippe Tome, réalisée à Bruxelles le mercredi 28 octobre 1998, par moi-même, ainsi que 2 autres membres du Club Soda (Emilie et BenBK). Il est question de Soda bien entendu, mais aussi des nombreuses séries que scénarise Tome: Spirou, Le petit Spirou, Berceuse assassine, ...

L'interview de Tome

On remarque que le découpage de tes BD's (Soda, Berceuse assassine) est très "cinématographique", on trouve entre autres des fondus, des zooms avant et arrière, des gros plans, des travellings, des plans étroits c'est, comment dire…voulu?

(Grand rire) Ben oui!
Mais je ne cherche pas spécialement à faire du cinéma. Ce découpage me semble naturel. Si l’on regarde les BDs d'il y a quelques dizaines d’années, comme les premiers Spirou dessinés par Franquin, on voit que le découpage des cases était toujours à peu près pareil : quatre bandes horizontales, voire cinq, et même type de cadrage. Puis ça a évolué. Télévision et ciné sont devenus tellement présents que cela a forcément généré une nouvelle syntaxe de l'image. Un nouveau langage s'est créé auquel je n'ai fait qu'emprunter un peu de vocabulaire. Une BD a plus d'expressivité si elle a ses plans bien à elle. Il faut oser les cases longues, larges qui proposent une atmosphère, une intensité dramatique différente. La forme des vignettes offre des indications rythmiques précieuses qui comblent partiellement l'absence de mouvement et de son .

Serais-tu intéressé par l’écriture de scénarios pour le cinéma ?

Non, pas vraiment… On m'a proposé d'écrire des adaptations de Soda ou des scénarios pour les animations de Spirou. J'en ai écrit quelques une, mais l'expérience s'est rapidement interrompue à mon initiative. Comme me le confiait l'an dernier Terry Gilliam qui a expérimenté les deux, concevoir un scénario de BD offre beaucoup plus de libertés qu'un scénario de cinéma. Au cinéma, certains acteurs rechigneront à jouer ceci ou cela. Et puis il y a des contraintes de budget et une pression inconfortable car on ne travaille plus avec 2 ou 3 amis, mais avec une centaine d'intervenants inconnus. En BD, on peut théoriquement faire tout ce que l'on veut, les seules limites sont les capacités du dessinateur et, bien sûr, le fait que c'est toujours un bout de papier.

Autre chose… On est assez impressionné par le nouveau Spirou… et vu le temps écoulé entre "Luna Fatale" et "Machine Qui Rêve", Janry et toi avez dû beaucoup réfléchir avant de faire ce changement… radical.

A l’époque, lorsque l’on nous a proposé de reprendre la série, c’était assez compliqué car nous étions plusieurs auteurs à y travailler : Nic et Cauvin, Yves Chaland ... Les lecteurs avaient donc droit à une sorte de Spirou à géométrie variable: esprits, tons, graphismes, décors, intrigues et probablement publics différents, au même moment dans le journal. Nous avions l'impression de participer à un dépeçage... J’ai même pensé abandonner cette série à cause de cela, mais nous avons finalement été désignés pour être les seuls à l'animer. Nous l'avons reprise avec le souci de proposer aux lecteurs la même émotion que nous avait procurée la lecture des albums de Franquin, l'auteur qui nous avait fait découvrir Spirou.
La tâche était moins rude pour nous que pour Fournier qui a dû reprendre le personnage laissé orphelin par le papa de Gaston. Il y avait une telle frustration, d'autant que le Marsupilami avait quitté la série.
Après Virus, le public nous a suivis. Avec les années, nous avons voulu faire évoluer la série afin qu'elle ne se contente pas d'être une sorte de relique, un classique figé à jamais pour rassurer les vieux lecteurs et les intervenants commerciaux parfois réticents à changer ce qui marche. Spirou et Fantasio ne sont pas Black et Mortimer, n'en déplaise aux acharnés de la ligne claire. Spirou n'est pas mort avec son créateur (Rob-Vel en 1983) comme semblent parfois le regretter ceux qui pensent que Tintin a eu raison de cesser d'exister avec le grand Hergé.
Gaston me manque, j'aimerais le revoir, même si, au fond, j'aurais un peu peur de ce qu'il pourrait devenir sous la plume d'un autre talent. Mais s'il ne me plaît plus, j'arrêterai simplement de le lire en laissant à d'autres, peut-être plus jeunes, la joie de découvrir ce formidable personnage aujourd'hui.

Donc Spirou évolue, et cette fois radicalement. Il n'a pas cessé de changer depuis Radar le Robot, mais les passionnés d'alors ne sont plus là pour se plaindre...et chacun préfère le Spirou de son enfance.
Le Spirou d'aujourd'hui a fini par avoir un visage qui correspondait enfin au reste de son anatomie. L'histoire, l'atmosphère, les couleurs et le graphisme ont fait dire à quelques observateurs perspicaces qu'on leur proposait une sorte de Soda, ce qui se comprend sans doute par le fait que Bruno Gazzotti a travaillé avec nous et que je suis le scénariste des deux séries. En réalité, il nous importait surtout de prouver qu'il était possible de reinventer le personnage à l'aube du 21ème siècle avec, c'est vrai, quelques risques de choquer comme lorsque Franquin a créé un héros sans emploi, un Zorglub langé par Champignac ou Hergé, un Tintin sans ses pantalons de golf. L'avenir devrait faire la preuve que nous ne tournons pas le dos à l'esprit de la série, au contraire. Mais il faut se faire à l'idée qu'il ne s'agit pas d'une parenthèse mais d'un électrochoc. En accord avec notre éditeur, Spirou sera désormais ce qu'il est aujourd'hui et poursuivra son évolution. Bien sûr, cette histoire rompait brutalement avec le ton burlesque des précédentes: il y avait les bords noirs, les couleurs, un ensemble de choses destiné à marquer le coup. Une mini-révolution, en somme! Qu'on nous pardonne. Après tout, cela faisait un moment qu'on s'étaient montrés bien sages, non?
Le prochain épisode devrait voir réapparaître un personnage que les admirateurs de Franquin et Greg connaissent bien.
Je suis ravi qu'il y ait eu tant de réactions passionnées (et opposées) autour de ce changement. Jusque là, j'avais l'impression que le public était un peu endormi...Il n'y en avait plus eu autant depuis la naissance du Petit Spirou, lui aussi accusé en son temps de briser un mythe...

Comment es-tu arrivé au Petit Spirou ?

Le Petit Spirou découle d'une histoire créée pour un numéro anniversaire du magazine Spirou . C’est une histoire plus ou moins vraie de l’Oncle Paul. Nous avions imaginé Spirou enfant, mais aussi les personnages secondaires que l’on retrouve dans la série mère : Fantasio, Champignac, Zantafio, Seccotine, etc.…
Mais lorsque nous avons voulu en faire une nouvelle série, nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas reprendre tous ces personnages pour des raisons de vraisemblance. Spirou les a tous rencontrés à l'age adulte. Même Spip n’aurait pas pu vivre si vieux, il aurait plus de 25 ans s’il connaissait Spirou depuis sa jeunesse, même bien nourri, cela me paraît impensable pour un écureuil! Nous avons donc créé un autre univers autour de lui, avec Vertignasse, Suzette, ses parents, son grand-père et les profs… Cela ne posait pas de problèmes avec l’histoire de l’Oncle Paul, car rappelons-le: il avait un peu bu et racontait à peu près n’importe quoi (il le confesse lui même).
Le héros enfant permet de faire balance avec l’adulte, qui passe pour être sans défaut. L’enfant lui, ne pense qu’aux petites filles, aux grandes, à faire des bêtises, comme beaucoup d'enfants de son âge …Le paradoxe, c'est qu'il semble plaire davantage aux adultes que le Spirou traditionnel. Le résultat des ventes est une preuve manifeste qu'il touche un public plus large!

Comment se fait-il qu’on ne voie jamais la tête du père de Spirou ?

C’est surtout parce qu’il ressemblerait trop au Spirou adulte. Il y aurait des confusions possibles. Un groom adulte, ça suffit. Il y a aussi le fait que je n’ai guère connu mon père, et j'ai comme un manque de documentation affective à ce sujet! C’est un peu pour cela aussi que Soda n’a plus le sien, et qu’on se contente de l'évoquer dans " Et délivre-nous du mal ".

Pourrait-on imaginer voir apparaître un des personnages du Petit Spirou, comme Vertignasse, dans les aventures de Spirou ?

Je ne pense pas… Toujours pour des raisons de cohérence. Lorsque le Petit Spirou présente les personnages dans ses albums, il précise:  " Vertignasse et moi, c’est à la vie à la mort, sauf s’il me volait ma fiancée ". On peut donc penser que le garnement a filé un jour avec Suzette, et qu’à cause de cela les amis d'hier se sont fâchés pour ne plus se revoir. Mais, dans la vie, combien d'entre nous peuvent se vanter d'avoir conservés des amis d'enfance?

Un de tes derniers albums : Berceuse Assassine semble prévoir une suite… quel sera le rapport avec le premier? C'est la suite, ou ça racontera une autre histoire?

(Là, pas de réponse. Juste un petit sourire qui en dit long…ou qui n'en dit pas long du tout!)
C'est une trilogie, si je donne toutes ces réponses maintenant, je n'aurai plus le plaisir de les inventer pour les deux récits suivants!

Un détail : si Martha le dérange tant, pourquoi est-ce que Telenko ne la quitte pas, tout simplement? Je ne parle pas de divorcer, je parle de claquer la porte derrière lui et ne plus revenir…

C'est…difficile. Disons que lorsqu’on est jeune, il est facile de se trouver avec quelqu'un, de le laisser tomber, et d’aller avec quelqu'un d'autre. Lorsqu’on vieillit, cela devient plus difficile. Joe Telenko a été marié à Martha. Lorsqu'on a un bout d'histoire en commun, ce n'est pas si facile de simplement…laisser tomber. Il y a toujours quelque chose qui reste. Ce sentiment confus d'emprisonnement peut exacerber les haines et plus on se résigne, moins s'en aller semble suffire. Il faut presque faire payer l'autre pour ces années gâchées. Bon, il s'agit tout de même d'un couple un peu particulier...
Et pour ceux qui veulent une explication de secours, disons que tout appartient à Martha. La maison, le taxi, tout !

Martha, c'est un prénom qui revient souvent non? Entre Soda (la femme de Bab’s) et Berceuse Assassine … Et ce sont toujours des femmes tyranniques…

Ben, deux fois, donc! Ce n'est pas si souvent, il me semble. Le prénom Martha, évoque pour moi une femme…puissante, qui a de la force. ça allait bien avec ce type de personnage. Un psy me fera peut-être un jour découvrir qu'il y avait une terrible Martha dans mon enfance, allez savoir.

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  "concevoir un scénario de BD offre beaucoup plus de libertés qu'un scénario de cinéma"  
   
  "il nous importait surtout de prouver qu'il était possible de reinventer le personnage à l'aube du 21ème siècle"